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Santé Environnement Medtech

ENgreen : quand des vésicules extracellulaires de plantes et de micro-algues pourront soigner les maladies infectieuses

Publié le 26 mars 2025|par Jean-Sébastien Zanchi

La start-up ENgreen est une spin-off de l’Institut de biologie de l’École normale supérieure (IBENS – CNRS/ENS-PSL/INSERM) qui vise à utiliser des vésicules extracellulaires (VEs) de plantes et de micro-algues pour développer de nouveaux traitements anti-infectieux pour les plantes cultivées et les animaux d’élevage et de compagnie.

Soigner les maladies infectieuses tout en respectant l’environnement. C’est la mission qu’on pourrait assigner à cette start-up tant la technologie qu’elle développe est prometteuse. « Ce système de délivrance, basé sur les vésicules extracellulaires de plantes ou de micro-algues, est très versatile et permet de délivrer différentes molécules actives jusqu’à leur site d’action, explique Lionel Navarro, directeur de recherche CNRS à l’IBENS et cofondateur d’ENgreen. Par exemple, nous avons pu montrer que les VEs de plantes et de micro-algues étaient capables de limiter la dégradation de petits ARN antibactériens et de les transférer dans des bactéries pathogènes, réduisant ainsi leur virulence ».

Ces petits ARN agissent comme des interrupteurs et peuvent ainsi éteindre sélectivement l’expression des gènes du pathogène, comme des facteurs de virulence, sans impacter l’expression des gènes de micro-organismes bénéfiques. « Ils sont cependant instables et ont donc besoin d’être protégés. Les VEs assurent cette protection et les transportent jusqu’à l’agent pathogène cible », détaille le chercheur. Ces résultats, issus de la recherche académique, ont conduit à la création d’ENgreen, dédiée à la maturation de cette technologie. La société prévoit d’utiliser certaines plantes et micro-algues, qui produisent de grandes quantités de VEs, pour faciliter les futures étapes d’industrialisation et pouvoir développer des solutions anti-infectieuses à faible coût. Par exemple, dans le cas des micro-algues vertes choisies, qui sont déjà utilisées par l’industrie comme complément alimentaire, il faut juste apporter de l’eau douce, des nutriments et du dioxyde de carbone pour les produire à grande échelle en photobioréacteurs. Le milieu de culture des micro-algues est ensuite collecté, les VEs séparées et purifiées, tandis que la biomasse est valorisée sous d’autres formes pour obtenir un cycle de production vertueux.

 

Une distribution et une administration facilitées

Cette technologie bénéficie également d’une logistique bien plus légère que la chaîne du froid stricte nécessaire par exemple aux vaccins à ARN messagers, puisqu’il est possible de lyophiliser les VEs. De quoi faciliter leur conservation, mais aussi leur administration aux animaux par exemple.

Nous prévoyons de travailler sur un nouveau traitement contre la grippe aviaire qui pourrait être administré par voie orale, plutôt que de réaliser une injection sur chaque canard. ’’

Antonio Emidio Fortunato, CSO d’ENgreen.

L’autre angle de développement vise les maladies végétales causées par la bactérie Xylella fastidiosa, responsable de la dévastation de vergers d’oliviers en Italie par exemple, ou de vignes aux États-Unis, victimes de la maladie de Pierce.  » Dans ce cas, nous pourrions envisager des injections au niveau du tronc, ou des absorptions par les pétioles des feuilles, pour que les VEs rejoignent le système vasculaire, s’y propagent et atteignent ensuite les biofilms bactériens localisés dans les vaisseaux du xylème « , imagine Lionel Navarro.

Pour Frank Garnier, CEO et cofondateur d’ENgreen, le marché des semences serait également une autre bonne option, puisqu’il reste un seul antifongique autorisé sur le marché : « L’écosystème des semenciers est réduit, très identifiable et nécessite des doses limitées ». De quoi permettre à la start-up de monter en charge progressivement depuis l’installation d’une partie de l’équipe R&D à l’IPS2 (Institut des sciences des plantes, Paris – Saclay) : « Leurs infrastructures nous permettent d’investir dans des moyens importants pour aller vers une production pré-industrielle. Nous pouvons également bénéficier du partage de nombreux équipements et envisager de nouvelles collaborations avec les équipes de recherche académique de l’institut ».

Image de microscopie des cellules de Chlorella vulgaris, une micro-algue verte utilisée par ENgreen (le trait blanc mesure 10 µm).

En ordre de marche pour développer un portefeuille de brevets

Cet ancien directeur de la filiale française de Bayer est sorti spécialement de sa retraite tellement il croyait au projet basé sur les recherches de Lionel Navarro : « Venant d’une entreprise ultra structurée, je découvre l’ambiance d’une start-up de neuf salariés où il y a beaucoup de compétences et où chacun est prêt à faire des choses différentes. On se retrousse les manches et on y prend beaucoup de plaisir ». La collaboration avec le secteur public a notamment été un moteur dans sa décision : « C’est assez génial de pouvoir mener à bien ces partenariats entre public et privé qui permettent de développer l’innovation issue d’une recherche fondamentale solide et de longue haleine. C’est comme ça qu’on peut arriver à faire rencontrer une découverte scientifique à fort potentiel avec son usage » s’enthousiasme celui qui avait géré un laboratoire commun entre le CNRS et Bayer à Lyon travaillant sur les maladies des plantes.

ENgreen est désormais lancée dans un cycle de 18 mois pour développer un portefeuille de brevets attractifs pour les industriels et futurs investisseurs : « Au niveau de mon laboratoire de recherche académique à l’IBENS, nous avons bénéficié de financements publics, via un programme prématuration du CNRS et un programme maturation de PSL (Paris Sciences & Lettres), mentionne Lionel Navarro. Ces financements sont essentiels pour maturer ces technologies et permettre le passage de la découverte fondamentale à des preuves de concept d’efficacité antimicrobienne sur des plantes cultivées ou des modèles animaux ».

« La start-up, quant à elle, a bénéficié d’investissements privés qui proviennent de love money », indique Frank Garnier. « Cette première levée de fonds est très originale. Ce sont des personnes qui croient en notre projet et qui y sont très attachées. Certaines sont d’ailleurs issues de l’écosystème des semences ou de l’industrie phytosanitaires, ils nous donnent des idées de développement et nous ouvrent même des portes. »

C’est assez génial de pouvoir mener à bien ces partenariats entre public et privé qui permettent de développer l’innovation issue d’une recherche fondamentale solide et de longue haleine. C’est comme ça qu’on peut arriver à faire rencontrer une découverte scientifique à fort potentiel avec son usage ’’

Lionel Navarro, directeur de recherche CNRS à l’IBENS et cofondateur d’ENgreen.

Image de microscopie électronique d’une vésicule de Chlorella (le trait noir mesure 100 nm).

Brevets :

Fortunato A E, Adam Sy K, Charvin M, Navarro L. Chlorella-based production of extracellular vesicle-embedded small RNAs for prophylactic or therapeutic applications (PCT/EP2021/075119).

Fortunato A E, Zervudacki J, Charvin M, Navarro L. Chlorella-based production of extracellular vesicle-embedded small RNAs for biocontrol applications (PCT/EP2021/075121).

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