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rAIman, la cartographie chimique au service de tous

Publié le 26 février 2025|par Joëlle Bizeau

Identifier des substances chimiques en temps réel sans altérer l’échantillon ? C’est le défi relevé par rAIman, la combinaison unique et indissociable d’une instrumentation ingénieuse et d’algorithmes développés par Hilton B. De Aguiar et Clémence Gentner au laboratoire Kastler Brossel (CNRS/ENS-PSL/Sorbonne Université). Ce spectro-imageur computationnel, autant utile pour l’imagerie biomédicale dynamique que pour la lutte contre la contrefaçon, est d’ailleurs, déjà, multi-distingué notamment par les concours nationaux d’innovation i-PhD et i-Lab ainsi qu’à l’échelle de l’Europe avec l’EIC Transition.

Accélérer la cartographie chimique non invasive et la rendre universelle

C’est le but même de rAIman. De l’imagerie biomédicale dynamique à la lutte contre la contrefaçon en passant par la détection de réactions chimiques au sein de matériaux, le contrôle qualité sur des chaînes de production ou encore la surveillance dans les postes de douane, la cartographie chimique rapide est un défi dans une variété de domaines. L’idéal pour en obtenir une, c’est d’utiliser la spectroscopie Raman, car chaque élément chimique possède une signature Raman unique très précise, comme une empreinte digitale. De plus, cette technique a l’avantage d’être non invasive, c’est-à-dire qu’elle n’altère pas l’échantillon, au contraire de nombreuses techniques ayant recours à des marqueurs moléculaires. Son utilisation conventionnelle a cependant deux désavantages majeurs : une très grande quantité de données générées, qu’il faut en plus encore traiter numériquement, et des temps d’acquisition très longs à cause de la très faible intensité des signaux Raman.

Conscient de l’intérêt multiple d’une technologie d’imagerie chimique rapide et non invasive, Hilton B. De Aguiar s’est donc attelé, il y a environ dix ans, à la combinaison de la spectroscopie Raman et d’approches d’acquisition computationnelle, donnant naissance à un outil 100 fois plus rapide que les standards du marché. Cependant, le projet rAIman ne décolle réellement qu’en 2022, lorsque Clémence Gentner rejoint Hilton B. De Aguiar sous les ailes du programme RISE de CNRS Innovation. Ensemble, et grâce à ce soutien, ils mettent en place une feuille de route visant à développer la technique en solutions industrielles concrètes.

Imagerie Raman compressive d'un mélange de microbilles de polystyrène et de PMMA dans de l'eau. @ Clémence Gentner

 

Un duo inséparable

Clémence insiste sur ce point : « Il est crucial de noter que contrairement à un imageur classique, l’étape de traitement des données est indissociable de l’étape d’acquisition : l’instrumentation est rendue « intelligente » par les algorithmes ». En effet, d’une part, l’architecture centenaire du spectromètre classique est modifiée en remplaçant la caméra par deux éléments : un modulateur programmable contrôlé par les algorithmes et un compteur de photons de type SPAD (Single Photon Avalanche Diode) habituellement utilisé en optique quantique. Ce compteur permet d’acquérir rapidement des signaux de faible intensité, car il compte le nombre de photons qui lui parviennent, tandis qu’une caméra classique a besoin d’une certaine quantité de photons pour capter un signal. Ce premier changement innovant augmente donc drastiquement la vitesse d’acquisition : seuls quelques photons suffisent à la mesure chimique en chaque pixel de l’image. Et d’autre part, non seulement les algorithmes contrôlent le modulateur programmable afin de ne mesurer que les signaux utiles, ce qui augmente encore la vitesse d’acquisition tout en diminuant la quantité de données générées, mais ils réalisent également le traitement de ces données en temps réel, donnant un signal quantitatif en sortie d’appareil.

« Dans un spectromètre classique, on fait de l’acquisition passive : tous le spectre à chaque pixel est enregistré, constituant d’importants volumes de données qui doivent encore être traités numériquement pour passer d’un signal brut à une image chimique. Nous, nous faisons tout en même temps, et c’est un élément qui est propre à notre technologie : la partie computationnelle est intégrée à l’instrument et permet de relier le spectre mesuré à la chimie en temps réel. C’est pour ça qu’on parle de spectro-imageur Raman computationnel ou intelligent » explique Clémence. Concrètement, chaque espèce chimique possède son propre spectre Raman, une sorte de code barre spectral. Lors de l’analyse d’un échantillon, ces spectres peuvent être appris, ou fournis en entrée dans l’algorithme. Les calculs optimisent ensuite les mesures en sélectionnant les points spectraux contenant de l’information utile et en élaborant une séquence de modulation permettant de distinguer les signatures les unes des autres. Lors de la mesure, le modulateur programmable agit comme un filtre séquentiel qui ne laisse passer que les longueurs d’onde choisies jusqu’au compteur de photon, capable de les détecter très rapidement. En scannant chaque pixel de l’objet, sa cartographie chimique complète est ainsi directement reconstruite.

Représentation schématique du système d’acquisition de données développé au sein du projet rAIman. @ Clémence Gentner

De prestigieuses distinctions

La rencontre de Hilton et Clémence en 2022 a donc permis l’optimisation de ce système aux applications multiples ainsi que l’établissement de preuves de principes. Un travail récompensé en 2023 lorsque Clémence remporte le Grand Prix i-PhD, concours d’innovation de l’État qui cherche notamment à soutenir et accompagner des projets « au potentiel d’impact ambitieux ». Dans la continuité, Hilton et Clémence obtiennent le prix Start-Ulm, la bourse French Tech Lab de BPI France, et candidatent au prestigieux prix i-Lab en 2024. Ils ont l’honneur de faire partie des 3 860 nominés au jury national, sur un total de 24 643 candidatures, au moment où leur vidéo de présentation en tant que lauréats du concours i-PhD 2023 est finalisée.

 

 

Aujourd’hui, la progression de rAIman s’accélère grâce au soutien de l’Europe avec l’EIC Transition. Ce financement a permis à Hilton et Clémence de recruter des ingénieurs pour développer le premier prototype, ainsi que de s’établir comme solution innovante sur des marchés identifiés via des partenariats industriels dont le consortium européen KEEPER.

 

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