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Santé

Projet ProteRNA : deux laboratoires du CNRS s’unissent pour créer un vaccin en comprimé

Publié le 25 juin 2024|par Jean-Sébastien Zanchi

L’ambition de la technologie brevetée est d’alléger la chaîne logistique de la vaccination par ARN messager et de proposer de nouvelles voies d'administration. Au lieu de nécessiter une congélation à très basse température, la forme sèche des comprimés est plus pratique et plus stable. Un procédé désormais développé par l’incubateur Nexbiome Therapeutics, après une période de prématuration.

Comment réduire drastiquement la logistique d’une campagne de vaccination par ARN messager ? En faisant en sorte que le traitement ne nécessite plus un stockage via la chaîne du froid (parfois à -80°), mais prenne la forme d’un simple comprimé mucoadhésif à libération contrôlée dans la cavité buccale. Pour réaliser ce tour de force, l’Unité de technologies chimiques et biologiques pour la santé (UTCBS, CNRS/Inserm/Université Paris Cité) a allié son savoir-faire à celui de l’Institut de mécanique et d’ingénierie (I2M, CNRS/Ensam/Bordeaux INP/Université de Bordeaux).

« Nous avions accueilli dans notre labo pendant un an une enseignante-chercheuse, Virginie Busignies, de l’équipe de Pierre Tchoreloff de l’I2M. En cherchant une idée de sujet qui pouvait nous réunir, nous avions eu l’idée saugrenue de concevoir des comprimés intégrant des vecteurs d’acide nucléique. À l’époque, je n’étais pas très convaincue », en rigolerait presque Virginie Escriou, directrice de recherche CNRS et responsable de l’équipe de biothérapie par vectorisation d’acide nucléique au sein de l’UTCBS.

Passer d’un milieu aqueux à une forme lyophilisée 

Ces vecteurs – des nanoparticules contenant des lipides et des acides nucléiques – sont en effet généralement stockés en suspension dans un milieu aqueux. C’est là qu’intervient l’I2M dont les compétences ont permis de les lyophiliser, puis de les comprimer pour obtenir un simple comprimé ; une forme sèche qui permet un stockage bien plus facile, durable et stable que l’actuel. « Grâce à la cryodessication, nous les déshydratons, en utilisant des excipients cryoprotecteurs pour protéger la matière active au cours de cette étape. On obtient alors un cake de lyophilisation qui une fois dispersé donne une poudre que l’on va essayer de comprimer », détaille Pierre Tchoreloff, professeur au sein de l’I2M de Bordeaux.

« Nous avons observé et pu caractériser que cette poudre avait des propriétés très singulières en compression. Quand une formulation classique nécessite d’appliquer une pression de 100 à 300 mégapascals, soit au moins le poids d’une petite voiture de chaque côté des poinçons, le système développé ne nécessite que 25 à 50 mégapascals. La poudre renfermant les nanoparticules lipidiques et des acides nucléiques est ainsi peu sollicitée mécaniquement et subit peu de zones de déformation. Nos essais ont ainsi permis de montrer qu’on pouvait comprimer cette poudre sans perdre l’activité biologique », explique le chercheur.

Restait alors à définir le mode d’administration. Les deux équipes ont opté pour un comprimé mucoadhésif. « On le dépose sur la muqueuse buccale. Avec l’hydratation, l’excipient de formulation gonfle et adhère à la muqueuse, puis il s’érode progressivement pour libérer son contenu en une à deux heures. En inondant de cette manière la cavité buccale, on espère ainsi que la transfection de l’ARN messager opère », constate Pierre Tchoreloff.

La rencontre avec Nexbiome déterminante

Pour continuer à développer le procédé, la rencontre avec Nexbiome Therapeutics a été déterminante. Nexbiome est un biotech studios, dont la mission est de sourcer des concepts académiques précoces (au stade de la discovery) pour en faire des produits pharmaceutiques. « C’est un projet qui correspondait parfaitement à notre positionnement, tant à son stade de maturité académique que sur le plan de la coopération, notamment avec les équipes de Pierre Tchoreloff avec lesquelles nous avions déjà travaillé », déclare Stanislas Desjonquères, le CEO fondateur de Nexbiome.

Après avoir suivi le programme de prématuration du CNRS en 2018-2019 ayant permis le dépôt d’un brevet, la SATT Aquitaine a investi 94 300 euros en 2021 pour permettre la transition de la preuve de concept de l’ARN interférent (projet de prématuration) vers l’ARN messager. « Notre raison d’être est de détecter les projets, les protéger, mettre en place les preuves de concept et faire en sorte que le développement soit suffisamment élevé pour qu’une entreprise puisse s’en emparer », explique Jean-Luc Chagnaud, responsable de la business-unit santé au sein de la société de transfert de technologie.

« Une vision de santé publique »

« Le programme de prématuration a été déterminant, constate quant à lui Pierre Tchroreloff. La collaboration entre nos deux équipes de l’I2M et de l’UTCBS s’est faite en toute confiance, nous avions une envie commune de collaborer et de travailler sur un concept pour lequel on peut vous rire au nez et montrer qu’il y avait une vraie vision de santé publique derrière ce projet. Nous avons apprécié que nos responsables, à l’image de la direction d’I2M, nous soutiennent, ainsi que Nexbiome ensuite. » 

Désormais, Nexbiome travaille toujours d’arrache-pied avec les deux laboratoires : « Nous continuons nos travaux sur les preuves de concept avec différents acides nucléiques et lipides. Notre idée est de pouvoir valoriser cette technologie auprès de laboratoires pharmaceutiques pour que les vaccins par ARN messager puisse être distribués avec une logistique bien plus légère qu’aujourd’hui, rendue accessible dans toutes les régions du globe », conclut Karine Roget, Chief Scientific Officer de Nexbiome Therapeutics.

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