Certaines inventions poussent si loin l’autonomie qu’elles finissent par déborder d’énergie. Les vitres opacifiantes de P-layer n’ont non seulement pas besoin d’être alimentées, mais elles peuvent faire fonctionner d’autres machines avec leurs surplus. Cette technologie fonctionne grâce à l’alliage du photovoltaïque et des cristaux liquides dans une même vitre.
Capables de perdre leur transparence en quelques secondes, les vitres opacifiantes se retrouvent par exemple dans les bureaux ou les salles de réunion. Elles ont toutes besoin d’être reliées au réseau électrique afin de recevoir l’énergie nécessaire à leur fonctionnement. Chez P-layer, c’est l’inverse. Leurs vitres produisent tellement d’énergie que, en plus d’être autonomes, elles en ont encore à revendre.
« Deux options existent, précise Sadiara Fall, CEO et fondateur de P-layer. D’abord un système de vitre opacifiante, aussi facile à installer qu’une vitre normale et d’où ne sortent que deux câbles servant au contrôle de l’opacité. Nous proposons également une version où la génération d’énergie permet d’alimenter d’autres appareils, comme des objets connectés. »
P-layer combine en effet une cellule photovoltaïque transparente et des cristaux liquides dans un même dispositif. En quelques secondes, les cristaux liquides bloquent plus ou moins la lumière en fonction de leur arrangement moléculaire, qui est gouverné par le biais d’une tension électrique fournie directement par la cellule photovoltaïque. Au départ, l’invention se limitait à cette auto-alimentation. Puis le système a tellement été optimisé qu’il s’est mis à générer un excédent d’énergie. Pour l’instant surtout utilisée avec du verre, la technologie P-layer fonctionne aussi sur des supports transparents flexibles.
Deux options existent : d’abord un système de vitre opacifiante, aussi facile à installer qu’une vitre normale et d’où ne sortent que deux câbles servant au contrôle de l’opacité. Nous proposons également une version où la génération d’énergie permet d’alimenter d’autres appareils, comme des objets connectés. ’’
Sadiara Fall
CEO et fondateur de P-layer
L’idée est partie des travaux de thèse de Thomas Regrettier, aujourd’hui membre du conseil stratégique de P-layer, menée au Laboratoire des sciences de l’ingénieur, de l’informatique et de l’imagerie (ICube, CNRS/Université de Strasbourg). Ce doctorat était dirigé par Thomas Heiser, professeur à l’université de Strasbourg et membre d’ICube, avec une co-supervision de l’université de Southampton (Royaume-Uni). Il s’agissait de modifier une couche photosensible à l’aide de matériaux semi-conducteurs organiques. L’équipe s’est rendu compte que le système parvenait à s’autoalimenter en énergie. Une demande de brevet a alors été déposée et acceptée.
Alors ingénieur de recherche à ICube, Sadiara Fall s’est occupé à partir de 2017 de la valorisation du projet, qui est passé par des phases de maturation et de prématuration financées par la Société d’accélération du transfert de technologies (SATT) Conectus. P-layer a récemment intégré la dixième promotion du programme d’accompagnement RISE du CNRS fin 2023 et le programme d’incubation de l’association Sciences, entreprise et marché, incubateur d’Alsace (SEMIA). Membre du réseau Quest for Change, P-layer a également été soutenu par Bpifrance et la Région Grand Est.
« Je suis par exemple épaulé dans ma recherche d’un collaborateur industriel, idéalement issu du secteur du bâtiment, pour m’aider à consolider le développement technologique de P-layer, avance Sadiara Fall qui se consacre à plein temps à la start-up depuis juin 2023. Je suis de plus coaché dans ma préparation au concours i-Lab. »
À ce stade, P-layer fournit jusqu’à trente watts-heures par mètre carré de vitrage et offre la possibilité de limiter la cellule photovoltaïque à certaines parties de la vitre, en fonction des besoins et de l’éclairage du lieu de pose. « Sur une façade suffisamment vitrée, on pourrait atteindre jusqu’à 2000 kilowatts-heures par an, sachant qu’un foyer français moyen en consomme 5000, affirme Sadiara Fall. En combinant avec l’opacification des fenêtres, qui permet de mieux contrôler la température intérieure, les économies peuvent monter jusqu’à 75 % de la facture énergétique d’un foyer.
Cette solution pourrait également être déployée sur les toits d’entreprises, offrant des puits de lumière à l’opacité maîtrisée. Les mêmes vitres, parfaitement transparentes l’hiver pour laisser passer un maximum de lumière, foncent l’été pour ne pas transformer les bureaux en fournaise. P-layer assure ainsi un compromis entièrement modulable entre confort visuel et confort thermique, sans avoir à installer des ombrières ou des volets. D’autres applications sont envisagées à plus long terme, notamment dans des véhicules, des serres ou systèmes de vision intelligents.
P-layer comporte actuellement trois employés, sans compter son conseil scientifique et son comité stratégique. La start-up mène une levée de fonds de 300 000 euros pour recruter de nouveaux collaborateurs et avancer vers une mise sur le marché de ses produits.
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