Un candidat-médicament innovant, né de la chimie académique française, montre une activité exceptionnelle contre plusieurs familles de virus ADN. Fruit d’une collaboration étroite entre l’ICOA, NeoVirTech et CNRS Innovation — qui a assuré sa brevetabilité*, LAVR-289 entre aujourd’hui dans une phase clé de maturation technologique.
La recherche d’antiviraux efficaces contre les infections émergentes ou négligées se heurte souvent à un problème majeur : la plupart des molécules du marché ne ciblent qu’un virus spécifique. C’est précisément ce qui fait la singularité du LAVR-289, un analogue de nucléoside développé à l’Institut de chimie organique et analytique (ICOA, CNRS / Université d’Orléans) actif sur un large spectre de virus.
« Nous travaillons depuis plus de trente ans sur des petites molécules nucléosidiques à visée antivirales », rappelle Luigi Agrofoglio, qui pilote le volet chimique du projet aux côtés de Vincent Roy et Patrick Favetta. Le programme prend racine au milieu des années 2000, dans le cadre de l’appel d’offres Biotox consacré au risque de bioterrorisme. En optimisant une nouvelle famille d’acyclonucléosides phosphonates, son équipe identifie alors un composé particulièrement prometteur : LAVR-289, actif à des doses nanomolaires, un niveau de puissance « rare pour ce type de molécules », souligne-t-il.
Le composé se distingue par un large spectre d’action. « Il est actif sur tous les virus à ADN double brin que nous avons testés et je peux vous garantir qu’ils sont nombreux », s’enthousiasme Franck Gallardo, cofondateur et CEO de NeoVirTech, une société spécialisée dans l’imagerie virale en temps réel. Cette polyvalence ouvre des perspectives face à des pathogènes humains (adénovirus, herpèsvirus), vétérinaires ou encore liés à la biodéfense, notamment les poxvirus, parmi lesquels la variole.
La collaboration avec NeoVirTech a offert un avantage décisif dans le développement de la molécule : la capacité d’observer en direct l’action antivirale. Grâce à leur collection unique de virus autofluorescents, les chercheurs peuvent localiser l’étape exacte du cycle de réplication touchée par LAVR-289. « Nous voyons que le virus infecte encore la cellule, mais qu’il reste bloqué entre la phase précoce et la phase tardive : avec LAVR-289, nous observons une à deux copies du génome viral par cellule, contre quatre mille en temps normal », détaille Franck Gallardo.
©NeoVirTech
Cette finesse d’analyse a permis de confirmer la cible, une zone très spécifique de la polymérase virale et de guider l’optimisation moléculaire. Elle a aussi permis d’accélérer le criblage : « Nous fournissons des résultats en 24 heures, ce qui change tout pour ajuster la chimie rapidement », ajoute-t-il.
L’efficacité biologique du LAVR-289 est solidement établie après plusieurs projets réussis : ANR, Agence de l’innovation de défense (programme RAPID DENALPOVIR en collaboration avec Frédéric Iseni de l’IRBA et François Caire-Maurisier de la Pharmacie centrale des armées), la région Centre-Val de Loire ou encore le NIH. Un verrou subsistait cependant : la capacité à produire la molécule à plus grande échelle, condition indispensable à une future entrée en phase réglementaire.
« Au laboratoire, nous travaillons à l’échelle du gramme. Pour aller vers la clinique, il faut produire des centaines de grammes selon des standards GMP. Ce n’est pas le même métier », explique Luigi Agrofoglio.
C’est ici qu’intervient CNRS Innovation, en lien avec l’Institut CNRS Chimie, à travers un programme de prématuration dédié au développement de procédés. « Nous avons identifié un besoin critique d’optimiser la synthèse pour permettre un passage industriel fluide », précise Brahim Sennane, chargé d’affaires expert en transfert de technologie. « L’avantage du dispositif est une prise de décision rapide, sans les délais d’un appel à projets classique. Cela évite des ruptures qui peuvent faire perdre huit mois d’un coup », confirme Luigi Agrofoglio.
Grâce à ce soutien, une nouvelle voie de synthèse plus adaptée à la mise à l’échelle est aujourd’hui en validation, et une stratégie de formulation commence à émerger — voie topique, orale ou injectable, selon les indications visées.
Le programme a atteint un TRL 5 et les tests précliniques non-réglementaires sont terminés. « Nous n’avons observé aucun signal d’alerte lors des études de toxicité sur 14 jours, mais il faut désormais conduire les essais réglementaires », indique Franck Gallardo.
La prochaine étape est claire : trouver le partenaire industriel capable de porter le dossier jusqu’à la clinique. Des discussions sont en cours. « Nous échangeons avec des sociétés en lien avec le réseau de Luigi Agrofoglio et Franck Gallardo, des experts qui connaissent bien la valeur scientifique et technologique du projet et maîtrisent le chemin pour porter cette innovation au bénéfice des patients », confirme Brahim Sennane, qui souligne l’importance du portefeuille de données déjà constitué — plusieurs publications majeures, dont la couverture en octobre dernier de la prestigieuse revue ACS Infectious Disease, appuient le potentiel du candidat.
La France possède un véritable savoir-faire sur les petites molécules antivirales, dont des analogues de nucléosides, qui sont désormais l’une des grandes tendances dans le secteur de la chimie. ’’
Luigi Agrofoglio, professeur et directeur de l’équipe Hétérocyles, Nucléosides et Agents d’Imagerie de l’ICOA
Au-delà de la molécule, les acteurs du projet revendiquent une approche exemplaire de collaboration. « C’est une belle histoire entre un laboratoire CNRS, l’université d’Orléans, une entreprise issue du CNRS et CNRS Innovation : chacun a apporté son expertise et la mayonnaise a pris très vite », résume Franck Gallardo.
Pour Luigi Agrofoglio, l’enjeu dépasse même LAVR-289 : « Il est important de montrer que la France possède encore un véritable savoir-faire sur les petites molécules antivirales, dont des analogues de nucléosides, qui sont désormais l’une des grandes tendances dans le secteur de la chimie. Si l’une d’elles va jusqu’à la clinique, ce serait un beau symbole. »
*Brevet : EP 3784680 « New antiviral acyclonucleoside analogues »
Marcheteau E, Mosca E, Frenois-Veyrat G, Kappler-Gratias S, Boutin L, Top S, Mathieu T, Colas C, Favetta P, Garnier T, Barbe P, Keck M, Gillet D, Mas A, Alejo A, Yu Y, Toth K, Abate G, Roy V, Skerry J, Wetzel KS, Shamblin JD, Golden JW, Panchal RG, Mucker EM, Mudhasani R, Agrofoglio LA, Iseni F, Gallardo F. Antiviral Activity of the Acyclic Nucleoside Phosphonate Prodrug LAVR-289 against Poxviruses and African Swine Fever Virus. ACS Infect Dis. 2025 Jun 13;11(6):1623-1634. doi: 10.1021/acsinfecdis.5c00169. Epub 2025 May 22. PMID: 40400498.
Kappler-Gratias S, Quentin-Froignant C, Marcheteau E, Fernandez J, Boutolleau D, Garcia V, Roy V, Agrofoglio LA, Gallardo F. LAVR-289, an Acyclo-Nucleoside Phosphonate, Has Broad-Spectrum Activity against Herpesviruses. ACS Infect Dis. 2025 Oct 10;11(10):2722-2728. doi: 10.1021/acsinfecdis.5c00171. Epub 2025 May 17. PMID: 40380923.
Quentin-Froignant C, Tollefson AE, Cline-Smith A, Kappler-Gratias S, Landrein N, Roy V, Agrofoglio LA, Toth K, Wodrich H, Gallardo F. LAVR-289, an Orally Bioavailable Inhibitor of Adenovirus Replication In Vitro and In Vivo. ACS Infect Dis. 2025 Jun 13;11(6):1416-1423. doi: 10.1021/acsinfecdis.5c00170. Epub 2025 May 19. PMID: 40384232.
Tollefson AE, Cline-Smith A, Roy V, Agrofoglio LA, Abate G, Gallardo F, Toth K. LAVR-289, a broad-spectrum antiviral, protects immunosuppressed Syrian hamsters against lethal adenovirus challenge. Antiviral Res. 2025 Aug;240:106221. doi: 10.1016/j.antiviral.2025.106221. Epub 2025 Jun 26. PMID: 40581051.
Brouillard M, Mathieu T, Guillot S, Méducin F, Roy V, Marcheteau E, Gallardo F, Caire-Maurisier F, Favetta P, Agrofoglio LA. Lyotropic liquid crystal emulsions of LAVR-289: Influence of internal mesophase structure on cytotoxicity and in-vitro antiviral activity. Int J Pharm. 2024 Nov 15;665:124683. doi: 10.1016/j.ijpharm.2024.124683. Epub 2024 Sep 10. PMID: 39265850.
Bessières M, Roy V, Abuduani T, Favetta P, Snoeck R, Andrei G, Moffat J, Gallardo F, Agrofoglio LA. Synthesis of LAVR-289, a new [(Z)-3-(acetoxymethyl)-4-(2,4-diaminopyrimidin-6-yl)oxy-but-2-enyl]phosphonic acid prodrug with pronounced antiviral activity against DNA viruses. Eur J Med Chem. 2024 May 5;271:116412. doi: 10.1016/j.ejmech.2024.116412. Epub 2024 Apr 15. PMID: 38643669.
©ACS Infectious Diseases
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