Soutenue par France 2030 et adossée à la recherche publique, la jeune pousse NEEXT Engineering mise sur une technologie innovante de fluides réactifs pour améliorer le rendement des machines thermodynamiques. Rencontre avec Jean Maillard, son président, qui défend une vision industrielle profondément ancrée dans le territoire de Belfort.
À Belfort, où s’assemblent les plus grosses turbines à vapeur et à gaz du monde, une start-up veut remettre à plat notre manière de produire et de convertir l’énergie. NEEXT Engineering, fondée par une équipe d’ingénieurs issus de l’écosystème local, développe une innovation technologique qui pourrait bien changer la donne : des fluides réactifs, capables de booster les performances des systèmes thermodynamiques.
« Cela fait plus de 100 ans qu’on utilise la vapeur d’eau pour convertir la chaleur en électricité. Le rendement moyen d’une centrale, y compris nucléaire, tourne autour de 30 %. Nous pensons pouvoir atteindre 40 % ou plus, ce qui est un saut significatif », explique Jean Maillard, président de NEEXT Engineering.
L’ambition de la start-up s’inscrit dans le projet SPARTA [1] , lauréat de l’appel à projets France 2030, qui vise à développer des systèmes de conversion d’énergie décarbonée plus performants.
L’innovation centrale repose sur des fluides « réactifs » qui, contrairement aux fluides classiques comme la vapeur d’eau ou certains gaz utilisés dans les pompes à chaleur, réagissent chimiquement dans le système pour maximiser le transfert d’énergie. Ce phénomène, jusqu’ici non exploité industriellement, permettrait d’envisager des performances accrues dans des contextes variés : incinérateurs, géothermie, chaleur fatale de process industriels et nucléaire.
« Il existe aujourd’hui 170 fluides candidats. À nous de trouver ceux qui seront les plus efficaces selon les cas d’usage : un pour les déchets, un autre pour le nucléaire, etc. », détaille Jean Maillard. Cette flexibilité ouvre un champ d’application considérable, y compris pour des systèmes à basse température, jusqu’ici peu rentables à valoriser.
Mais l’innovation ne s’arrête pas au fluide. NEEXT développe aussi un outil digital destiné à piloter ces systèmes complexes. Il s’agit d’une plateforme moderne, intégrant des capacités de simulation avancées, qui permet de concevoir et d’optimiser les installations en tenant compte du double pilotage thermique et chimique. « On n’a jamais eu besoin de piloter une réaction chimique couplée à une machine thermodynamique. Il nous faut donc inventer ce pilotage intelligent, qui réagit en temps réel aux conditions pour maximiser les performances », explique Jean Maillard.
outil digital de pilotage d'une machine thermodynamique ©NEEXT Engineering
La technologie des fluides réactifs ne vient pas directement d’un programme structuré de valorisation. Elle est issue des travaux de Silvia Lasala, chercheuse au CNRS [2], dont les publications ont attiré l’œil de Jean Maillard. L’histoire commence alors presque à rebours : « Ce n’est pas la SATT qui nous a proposé une techno, c’est nous qui avons demandé qu’elle soit brevetée pour pouvoir la valoriser industriellement », raconte-t-il.
Ce transfert de technologie a pu se concrétiser grâce à la collaboration entre NEEXT, la SATT Sayens, et le Laboratoire Réactions et Génie des Procédés (LRGP, UMR 7274, Université de Lorraine / CNRS) à Nancy. L’enjeu : créer une licence exclusive mondiale, adossée à une propriété intellectuelle solide, pour sécuriser les investissements à venir et protéger la différenciation technologique de la start-up. « Il y avait une vraie synergie entre la technologie et les compétences locales. À Belfort, on sait concevoir, assembler et faire fonctionner des systèmes énergétiques complexes. Ce savoir-faire a été déterminant », souligne le dirigeant.
Il y avait une vraie synergie entre la technologie et les compétences locales. À Belfort, on sait concevoir, assembler et faire fonctionner des systèmes énergétiques complexes. Ce savoir-faire a été déterminant. ’’
Jean Maillard, président de NEEXT Engineering.
NEEXT Engineering revendique un ancrage fort dans le territoire. Dès sa création, l’équipe s’est constituée autour d’un financement participatif local, réunissant 420 000 euros auprès de 120 personnes pour lancer l’activité. Aujourd’hui, l’entreprise emploie une quinzaine de personnes, toutes issues ou presque du bassin industriel belfortain. Mais sa visée est mondiale : améliorer le rendement énergétique des installations industrielles partout où cela est possible. Pour cela, elle s’est récemment associée à Enogia, une autre pépite française spécialisée dans les microturbines, pour construire un démonstrateur commun.
« Si on gagne 30 % de rendement sur une centrale nucléaire, on économise plusieurs réacteurs à l’échelle nationale », insiste Jean Maillard. Le passage à l’échelle sera un défi. Il faudra vérifier la compatibilité des fluides avec les matériaux, assurer leur production à grande échelle, garantir leur innocuité pour l’homme et l’environnement. Mais le dirigeant reste confiant : « Le vrai verrou, c’est la capacité à piloter l’ensemble du système. Et c’est précisément là que nous nous positionnons ».
NEEXT ne se limite pas à être un intégrateur ou un fournisseur de solutions logicielles. Elle revendique une nouvelle approche de l’ingénierie énergétique, plus agile, plus rapide, fondée sur des outils modernes et une maîtrise fine des systèmes complexes. « Nos ingénieurs ont développé des compétences uniques notamment en modélisation des systèmes. Cette expertise est déjà recherchée, y compris par les acteurs du nucléaire », affirme Jean Maillard.
La société prépare une levée de fonds de 1,5 à 2,5 millions d’euros pour financer ses prochains développements et, à horizon 2027, un banc d’essai à haute puissance. À terme, elle pourrait également industrialiser une partie de ses systèmes, recréant ainsi une chaîne de valeur locale. « À Belfort, on peut concevoir de grandes choses avec des ingénieurs, et les construire avec des techniciens et des ouvriers. C’est ça, notre vision industrielle », conclut Jean Maillard.
[1] Le programme SPARTA de NEEXT Engineering est soutenu par son partenariat avec le laboratoire LRGP (laboratoire réactions et génie des procédés) du CNRS et Arabelle Solutions, filiale du groupe EDF et leader mondial des turbo-alternateurs pour centrales électriques.
[2] Chercheuse au Laboratoire réactions et génie des procédés (LRGP ), Silvia Lasala décroche une ERC Starting Grant pour son projet REACHER reposant sur l’étude théorique et expérimentale de ce nouveau moteur en 2022. Silvia Lasala obtient la Médaille de bronze du CNRS 2023.
©NEEXT Engineering
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