Dans un contexte de pression croissante sur les ressources en eau douce, le chercheur Mihail Barboiu pilote le projet Waterland. L’objectif : développer des membranes biomimétiques inspirées des aquaporines, des protéines naturelles régissant le transport de l’eau dans les cellules vivantes. Cette technologie, issue de l’Institut européen des membranes et soutenue par le programme RISE du CNRS, vise à réduire de 40 à 50% les coûts de consommation énergétique et d’investissement liés au dessalement. Grâce à cette approche, Waterland pourrait contribuer à un avenir plus durable.
Renouveler les technologies de dessalement après 40 ans de stabilité
Le projet Waterland s’inscrit dans un contexte où les membranes de dessalement n’avaient pas connu d’avancées significatives depuis 40 ans. Les technologies existantes, bien qu’efficaces, rencontrent des difficultés pour combiner deux caractéristiques essentielles : une perméabilité élevée, qui garantit un débit d’eau optimal, et une sélectivité rigoureuse, nécessaire pour éliminer efficacement les sels et les impuretés.
Les membranes de dessalement fonctionnent en exploitant un principe appelé osmose inverse. Dans ce procédé, on fait passer une solution d’eau salée pressurisée à travers une membrane semi-perméable, qui agit comme un filtre sélectif, retenant le sel et les impuretés. Bien que ce processus soit efficace, il reste énergivore en raison de la forte pression nécessaire pour surmonter la résistance naturelle des membranes et séparer le sel de l’eau.
Un biomimétisme au service du dessalement
Biomimétique, la technologie Waterland est en fait inspirée de la nature. « En nous appuyant sur les aquaporines, ces protéines cellulaires capables de filtrer l’eau, nous avons conçu des canaux artificiels d’eau inspirés de ce mécanisme naturel. Cette découverte inattendue découle d’un projet initialement axé sur des piles à combustible Biom », raconte Mihail Barboiu, chercheur CNRS à l’Institut européen des membranes*.
Les membranes de Waterland ont montré une productivité trois fois supérieures à celle des membranes classiques, tout en réduisant la consommation énergétique. Leur conception biomimétique optimise le passage de l’eau, réduisant la résistance au flux, tout en maintenant une barrière efficace contre les impuretés. De plus, ces membranes affichent une durée de vie comparable à celle des technologies classiques, soit environ cinq ans, pour un entretien similaire. En adressant certaines limites des technologies actuelles, Waterland apporte une contribution notable au domaine du dessalement. Cependant, des défis subsistent, notamment pour adapter cette technologie à une échelle industrielle. C’est notamment dans ce cadre que le projet bénéficie d’un accompagnement par le programme RISE du CNRS pour la création de start-up.
En nous appuyant sur les aquaporines, ces protéines cellulaires capables de filtrer l’eau, nous avons conçu des canaux artificiels d’eau inspirés de ce mécanisme naturel. Cette découverte inattendue découle d’un projet initialement axé sur des piles à combustible Biom. ’’
Mihail Barboiu, chercheur CNRS à l’Institut européen des membranes
Du laboratoire à l’industrie
Transformer une innovation de laboratoire en solution industrielle est un processus complexe, jalonné d’obstacles. Pour l’équipe de Waterland, le principal défi technique réside dans la mise à l’échelle des membranes biomimétiques. Si les prototypes en laboratoire mesurent seulement quelques centimètres carrés, une application industrielle exige des membranes couvrant plusieurs mètres carrés. Ces dernières doivent être intégrées dans des cartouches capables de résister à des pressions extrêmes, parfois supérieures à 50 bars. Cette étape cruciale, longue et minutieuse, a marqué un tournant dans l’aventure Waterland, transformant le rêve en une solution concrète et scalable.
L’autre grand défi : leur intégration dans les systèmes de dessalement existants. Pour Mihail Barboiu, l’enjeu réside dans « les difficultés à intégrer ces technologies dans un marché où la stabilité des solutions éprouvées reste prioritaire ». L’industrie du dessalement, après plusieurs décennies sans véritable révolution technologique, reste prudente face aux potentielles innovations, notamment en raison des risques liés à leur mise en œuvre à grande échelle. Introduire des membranes biomimétiques dans ce contexte nécessite non seulement de démontrer leur efficacité, mais également de convaincre les acteurs du secteur de leur fiabilité à long terme.
Des solutions durables pour l’agriculture et la santé
Waterland s’ouvre à de nouveaux horizons. Dans le secteur agricole, ces membranes offrent une solution pour transformer l’eau salée en eau douce destinée à l’irrigation, apportant une réponse à la pénurie d’eau douce dans de nombreuses régions. Elles jouent également un rôle clé dans l’industrie médicale, où l’eau ultrapure est indispensable, notamment pour la production de médicaments et d’équipements stériles.
Dans les mois à venir, Waterland aura l’opportunité de mettre en lumière ces avancées lors d’événements majeurs, comme le salon du biomimétisme qui se tiendra en juin prochain à Paris. Ces rendez-vous seront déterminants pour sensibiliser les décideurs et promouvoir des solutions scientifiques en faveur de la durabilité et de l’innovation.
*CNRS/ENSC Montpellier/Université de Montpellier
© Tembela Bohle
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